À la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, la question de l’impact environnemental de l’événement reste centrale. Les organisateurs réussiront-ils leur pari d’offrir au monde « les Jeux les plus verts de l’histoire » ? Focus sur quelques-uns des projets novateurs mis en place pour y parvenir.
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Le 26 juillet prochain, aux alentours de 20 heures, une enfilade de plusieurs dizaines de bateaux et péniches, aux couleurs des nations du monde, s’élancera sur la Seine, entourée de centaines de milliers de spectateurs et scrutée par près d’un milliard et demi de téléspectateurs.
L’ADEME soutient les opérations de remotorisations et de constructions de 40 bateaux à faibles émissions et émissions nulles pour la flotte mobilisée pour les JOP 2024.
« Mistinguett », le plus gros, est 100 % électrique.
Avec l’objectif affiché de réduire de moitié son empreinte environnementale par rapport aux précédentes éditions de Rio et de Londres, Paris 2024 ambitionne de ne pas dépasser un budget carbone de 1,5 million de tonnes de CO2. En comparaison, Rio en 2016 et Londres en 2012 en avaient émis respectivement 3,6 et 3,4 tonnes. Georgina Grenon, la directrice de l’excellence environnementale pour Paris 2024, explique : « Déjà, notre démarche est novatrice. Jusqu’à présent, les Jeux étaient organisés et le bilan carbone était calculé dans un second temps. Cette fois-ci, nous avons voulu avoir une ligne claire, chiffrée et nous y tenir. » Selon la directrice, le budget carbone se répartit en trois pôles équivalents : les déplacements, les opérations (logistique, hébergement, restauration, etc.) et les constructions.
Un bilan carbone à la diète
Sur ce dernier point les organisateurs mettent en avant le village des athlètes, situé à cheval sur les communes de Saint-Denis et de Saint-Ouen. Sorti de terre en moins de quatre ans, ce village a été pensé, outre l’accueil de quelque 14 000 athlètes, pour se transformer dès la fin des épreuves et à long terme en véritable quartier de ville et accueillir habitants, bureaux, commerces, écoles et services de proximité.
De plus, il se veut vert et innovant : « La conception et la construction avec des matériaux biosourcés, novateurs et à faible impact environnemental (bois, béton bas carbone et matières recyclées), conjuguées au recours intensif aux énergies renouvelables et à une conception bioclimatique ont permis de réduire le bilan carbone de 47 % sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments du village des athlètes » assure Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la SOLIDEO, l’établissement public en charge de la livraison des sites olympiques. Une autre particularité du village tient dans son alimentation en énergie renouvelable grâce à un réseau de géothermie. Le programme de la SOLIDEO intègre 70 ouvrages olympiques, dont 8 piscines construites ou rénovées à l’occasion des JOP (5 en Seine-Saint-Denis).
Sous nos pieds, une énergie peu chère et renouvelable
L’idée est simple : récupérer la chaleur du sous-sol à travers les nappes d’eau à différentes profondeurs pour alimenter les bâtiments en chaud et en froid. Ce n’est pas moins de onze puits qui ont été forés à une soixantaine de mètres de profondeur afin d’alimenter non seulement le village des athlètes, mais aussi et surtout l’ensemble du quartier Pleyel à Saint-Denis.
Avec une nouveauté marquante : aucun des bâtiments du village ne sera équipé de climatisation, le refroidissement étant assuré par un système de circulation d’eau froide dans des planchers réversibles, capables également de produire de la chaleur.
Pour Matthieu Mefflet-Piperel, ingénieur référent géothermie de surface à l’ADEME Île-de-France, « la géothermie est l’une des énergies les moins connues. Pourtant, elle possède de nombreux atouts : elle est discrète, renouvelable, peu chère et disponible 24 heures sur 24. De plus, la géologie de l’Île-de-France est parfaitement propice à la mise en place de ces réseaux ».
C’est aussi la géothermie qui a été choisie pour alimenter le tout nouveau centre aquatique de Marville situé à la Courneuve.
La géothermie est l’une des énergies les moins connues. Pourtant, elle possède de nombreux atouts.
Le centre aquatique a été raccordé au réseau de chaleur alimenté par des puits allant jusqu’à 1 700 mètres sous terre (où l’eau pompée est à 58 °C) qui fourniront l’énergie nécessaire pour chauffer les bassins. Nathalie Hébrard, référente géothermie profonde à l’ADEME Île-de-France, précise : « Ce sont près de 65 % des besoins du centre aquatique qui seront alimentés par des énergies renouvelables grâce à ce réseau », et ajoute : « Ce site de Marville prend une importance particulière dans l’héritage que vont laisser les JOP de Paris. En effet, il viendra répondre après les épreuves à l’énorme déficit en matière d’infrastructures aquatiques en Seine- Saint-Denis. » 71 % des collégiens du département ne savent pas nager à leur arrivée en classe de 6e, selon une enquête menée par « Savoir nager » en 2021. C’est trois fois plus qu’à l’échelle nationale.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Parmi les embarcations qui défileront lors de la cérémonie d’ouverture, plus d’une vingtaine seront équipées d’un moteur 100 % électrique, grâce au plan d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI) mis en oeuvre par Voies navigables de France et soutenu par l’ADEME. Pour Augustin Henon, responsable innovation pour la transition écologique à VNF : « Les événements olympiques ont été un accélérateur de la décarbonation du secteur fluvial et la fenêtre de tir idéale pour mettre en lumière cette ambition. L’idée est simple : remplacer les moteurs thermiques des bateaux par des moteurs électriques, au bioGNV ou à hydrogène. » Un véritable levier pour encourager les entreprises à sauter le pas.
Ces projets de remotorisation, dopés par Paris 2024, s’inscrivent dans une démarche de long terme : « Au-delà des JOP, nous sommes engagés sur une croissance verte de la flotte au niveau national, avec une réduction des émissions liées au transport fluvial de 90 % d’ici 2050 », précise Augustin Henon.
« Les ouvrages olympiques comme le village, l’Arena ou le centre aquatique olympique ont permis de franchir une étape majeure vers le bas carbone, ajoute Antoine du Souich. Je pense que nous avons réussi à faire avancer la filière et c’est un vrai succès. Les entreprises se sont investies et les efforts se généralisent pour qu’après les JOP, on ne revienne pas à des constructions bas coût et basse performance. »
Le vélo, champion des mobilités actives
Enfin, à quelques jours de la cérémonie d’ouverture, les émissions de CO2 liées au transport des spectateurs et des athlètes du monde entier jusqu’à Paris restent difficiles à réduire. Ce poste représente de loin la plus grosse partie du budget carbone pour les organisateurs et pourrait mettre à mal les efforts consentis sur les constructions et les opérations. S’il est impossible de faire diminuer la part des émissions liées au transport, des solutions ont été pensées pour limiter l’impact de leurs déplacements durant les compétitions. En Île-de-France, les organisateurs et les autorités publiques ont veillé à ce que 100 % des spectateurs puissent se rendre sur les sites de compétition en transports en commun, à pied ou à vélo.
en Île-de-France
de voies cyclables créés spécialement pour les JOP
Avec l’implantation de 400 kilomètres de voies cyclables olympiques en Île-de-France, dont environ 120 kilomètres spécialement créés pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, presque tous les sites franciliens, sauf Villepinte, seront accessibles à vélo depuis Paris via un itinéraire protégé et continu. Ce réseau comprendra 46 000 vélos en libre service (Vélib et opérateurs privés) et bénéficiera de l’ajout de 27 000 places de stationnement sécurisées provisoires autour des sites, dont 10 000 à Paris. Par ailleurs, plus de 3 000 places permanentes sont aménagées dans les grandes gares parisiennes. C’est dans cette dynamique que le projet « À vélo vers les JOP » a vu le jour. Geneviève Cron, chargée d’animation vélo au sein de l’association Mieux se déplacer à bicyclette, détaille : « La dynamique des JOP nous a permis de lancer un plaidoyer auprès des élus pour la mise en place d’actions d’aménagement et de services aux cyclistes. Par exemple, avec le soutien de l’ADEME, nous avons créé 4 nouvelles vélo-écoles en Île-de-France qui en compte désormais 19. Nous formons ainsi plus de 400 élèves tous les ans. » Le vélo, mode de transport largement plébiscité dans les grandes villes depuis la fin de l’épidémie de Covid, viendra s’ajouter à l’héritage des JOP de Paris 2024.
« Un véritable défi, à la fois technique et économique »
Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation de la SOLIDEO
Le travail et les engagements de la SOLIDEO en matière de réduction de l’empreinte carbone des constructions pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont été un véritable défi, à la fois technique et économique. Nous avions le rôle de livrer les différentes infrastructures dans le respect des délais, des coûts et des ambitions environnementales.
Notre philosophie a été de dire : les ouvrages pérennes que nous allons livrer doivent préfigurer la ville européenne de 2030 en termes de carbone, d’adaptation au changement climatique, de biodiversité et d’économie circulaire. Concernant le carbone, nous avons cherché à avoir dix ans d’avance sur la stratégie nationale bas carbone. Par exemple, le bois tient une place prépondérante sur le village des athlètes : 100 % des bâtiments de moins de 28 mètres font intervenir le bois en structure. Au total, quinze autorisations d’expérimentation (ATEX) ont été déposées pour massifier le recours au bois sur le village. Imposant un seuil minimal de 30 % de bois français et 100 % issu de forêts écogérées, la SOLIDEO a contribué à développer la filière française du bois et à renforcer les connaissances et techniques liées à cette matière pour les constructions futures.
De nombreuses entreprises parmi les plus de 3 000 impliquées ont joué le jeu en termes d’innovation et de réglementation. Par exemple, sur le secteur Universeine du village, construit par Vinci Immobilier, du béton ultra bas carbone a ainsi été développé, avec le soutien du fonds d’innovation de la SOLIDEO.